Juriste d’entreprise, un métier en quête de reconnaissance

Face à la complexité croissante de la règlementation, la fonction de juriste d’entreprise est devenue, en quelques années, incontournable.
Au Maroc, elle a encore du mal à s’imposer.
Les salaires mensuels vont de 4 000 à 30 000 DH et plus, selon les structures et l’expérience.
Lorsque le grand patron de cette multinationale allait signer un contrat, il avait pour habitude d’emmener avec lui une équipe d’ingénieurs. Ils étaient là pour épater le partenaire avec une présentation commerciale brillante. Pour les questions juridiques, on verrait après. Après quelques déboires, ce patron a changé de stratégie. Désormais, ce sont des juristes qui l’accompagnent lorsqu’il part en campagne. Il s’est en effet rendu compte que l’omission d’une clause, la méconnaissance de la réglementation,… pouvaient coûter très cher à l’entreprise.

  • Il est passé de la sécurité juridique à la stratégie commerciale

Face à la complexité croissante des lois et des réglementations, la fonction de juriste d’entreprise est effectivement devenue en quelques années incontournable, en tout cas pour certaines entreprises. Traditionnellement limité à la défense des intérêts de sa société et à la production d’actes juridiques, son rôle s’est véritablement étoffé depuis. «Si le juriste d’entreprise a pour mission première d’assurer la sécurité juridique de l’entreprise, on peut également attendre de lui qu’il apporte des solutions juridiques innovantes, dans les questions de concurrence par exemple. Son rôle devient alors stratégique. Vu l’arsenal juridique auquel est confrontée l’entreprise (code pénal des affaires, code du travail, code du commerce, charte des investissements…), son rôle n’est plus à démontrer», explique Mohammed Jamal Maatouk, professeur universitaire et président de l’AJEM (Association des juristes d’entreprise du Maroc). En somme, on est passé de la sécurité juridique à la stratégie commerciale.
Du fait du développement de problèmes de droit plus spécifiques, le juriste d’entreprise doit parfois être un spécialiste et se tenir en permanence informé de l’évolution des lois. Mais il doit en même temps être compétent dans l’ensemble des spécialités qui requièrent son intervention : droit des sociétés, du travail, fiscalité, contrats, contentieux, assurance, immobilier… Son activité peut s’étendre à des domaines très divers comme les affaires internationales, la protection de la propriété industrielle et intellectuelle, le marketing et la consommation, les produits financiers, l’informatique et les technologies de l’information, l’environnement. Faut-il préciser que nos juristes ne sont pas encore arrivés à ce niveau de spécialisation ?
Dans le milieu bancaire et celui des assurances, le juriste est plus généralement chargé du contentieux (règlement des conflits juridiques). Dans les fédérations, les syndicats, les associations ou la fonction publique, le juriste a davantage un rôle de conseil en direction des clients ou des adhérents.

  • Il a du mal à s’imposer dans les PME

Dans les PME, la fonction existe rarement, pour des raisons essentiellement financières. A défaut d’avoir une compétence interne, les PME se contentent de solliciter un spécialiste pour une action ponctuelle. «Les PME paient aujourd’hui des millions en primes d’assurances mais ne se protègent pas assez en matière juridique. Le juriste peut leur apporter des solutions pour mieux baliser leurs contrats», souligne M. Maatouk.
La fonction a donc du mal à s’imposer. Et, là où elle existe, les promotions restent difficiles pour le titulaire en raison de la spécificité de ses tâches. La fonction est rarement classée dans le haut de l’organigramme. Très souvent, elle est érigé en département ou division, rarement en direction. Généralement, le responsable juridique ne dispose que d’un ou de quelques collaborateurs.

  • Il peut évoluer vers d’autres fonctions

Possibilités d’évolution : le passage dans une société de plus grande taille ou un changement de spécialité. En effet, certains juristes d’entreprise se tournent vers des directions RH ou des fonctions administratives. Pourtant, beaucoup disposent d’un solide bagage intellectuel, outre des connaissances pointues dans certains domaines, et peuvent prétendre à de grosses responsabilités. On notera ainsi que pour exercer cette profession, une formation supérieure en droit (DEA ou DESS) est de mise. «L’idéal pour un juriste est de faire un troisième cycle avec une spécialisation dans les assurances, une filière très payante actuellement. Le métier est passionnant, prometteur et présente des perspectives d’évolution», note Amine Jarmoune, juriste d’entreprise dans une société industrielle.
Hormis les facultés de droit, les écoles privées à l’image de IMADE proposent des cursus spécialisés comme le droit des affaires, le droit des assurances, le droit de la concurrence, de la consommation et de la propriété industrielle,…
En banque d’affaires, la formation juridique est souvent complétée par un autre diplôme. Une expérience de plus de cinq années est nécessaire pour le juriste bancaire, le juriste d’affaires ou le juriste contentieux. Elle peut être acquise soit au sein de la banque avec un avancement obtenu par promotion interne, soit au sein d’une autre structure.
Le juriste d’entreprise doit parler couramment l’anglais, voire une deuxième langue étrangère : l’ouverture du marché européen et la mondialisation des affaires l’amènent en effet à être en contact avec de nombreux interlocuteurs étrangers.
Une grande capacité d’analyse et de synthèse, de la rigueur, un talent de négociateur, le sens du contact et du dialogue sont des qualités personnelles indispensables pour exercer ce métier.
Quant au salaire, «il dépend principalement du positionnement du juriste dans l’organigramme», explique El Houcine Berbou, consultant senior à LMS ORH. Il varie selon la taille ou le secteur d’activité de l’entreprise, et selon l’expérience personnelle et la spécialisation. Un junior perçoit à peine 4 000 DH et ne dépasse guère les 8 000 DH après quelques années d’expérience. Le salaire d’un directeur juridique peut dépasser les 30 000 DH dans une structure importante.

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