La sécurité que procure la loi aux employés de ces sociétés est en réalité très limitée
Version du salarie
Je suis une employée d’une entreprise opérant dans le textile. Avant la crise, nous étions bien traités et nous percevions nos salaires à la fin de chaque mois, sans problème. Parmi mes collègues, il y en a qui ont contracté des crédits pour acheter un logement au lieu de rester dans le foyer familial.
Soudain, l’activité commence à baisser et il y a eu des suppressions d’emplois. Nous avons demandé à notre employeur s’il va fermer, mais il nous a répondu que ce n’est pas le cas. Deux mois après, une fois sur le lieu du travail, on se rend compte que l’usine est fermée alors que nous n’avions pas été payé depuis un mois et demi.
Le patron ne répond plus au téléphone, cela fait neuf mois que nous sommes à l’arrêt sans qu’on ait reçu d’indemnités. Est-ce logique ?
Soudain, l’activité commence à baisser et il y a eu des suppressions d’emplois. Nous avons demandé à notre employeur s’il va fermer, mais il nous a répondu que ce n’est pas le cas. Deux mois après, une fois sur le lieu du travail, on se rend compte que l’usine est fermée alors que nous n’avions pas été payé depuis un mois et demi.
Le patron ne répond plus au téléphone, cela fait neuf mois que nous sommes à l’arrêt sans qu’on ait reçu d’indemnités. Est-ce logique ?
Version de l’entreprise
Avant la crise économique mondiale, l’activité se portait bien. Juste après, nous avons senti les contrecoups de cette crise vu que les commandes de jour en jour ont baissé pour devenir très réduites. Ne pouvant plus payer ni les employés ni les fournisseurs, j’ai préféré fermer momentanément. Vu la réticence des banques, pour me donner un crédit pour redémarrer l’activité, je suis actuellement en train de chercher des partenaires afin de débloquer cette situation, sinon je mettrai la société en liquidation judiciaire. Je compte payer les indemnités des employés dès le mois prochain si je reprends l’activité, sinon il faudra attendre la fin de la procédure judiciaire.
Conseil
Dans l’entreprise en difficulté, les salariés occupent une place à part, dans la mesure où la loi se donne comme objectif, en principe, de protéger les emplois, et subordonne les licenciements collectifs au redressement de l’entreprise.
De façon générale, il faut constater que la sécurité que procure le cadre législatif marocain aux salariés des entreprises en difficulté est en réalité très limitée.
Plusieurs raisons sont derrière cette affirmation. Primo, les salariés au Maroc ne sont pas informés et consultés avant toutes les décisions concernant leur situation pendant les procédures collectives par le biais de comités d’entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel. Ceci constitue une lacune juridique qu’il faut combler ;
Secundo, la loi concernant l’entreprise en difficulté n’a pas posé des dispositions claires concernant les licenciements envisagés au cours de la période d’observation en vue d’orienter le tribunal de commerce pour prendre une telle décision ;
Et tertio, le législateur marocain n’a pas évoqué la situation des créances salariales au cours de l’établissement d’un plan de redressement ordonné par le tribunal. A ce niveau, on s’interroge si les créances salariales doivent être incluses aussi dans le plan de continuation comme les autres créances, en sachant que la durée de rééchelonnement des dettes peut aller jusqu’à 10 ans.
Le législateur marocain est resté muet sur ce point, ce qui signifie l’absence d’une volonté d’accorder la priorité de paiement aux créances salariales par rapport aux autres créances au cours de cette procédure. Il paraît que le législateur reste attaché au principe d’égalité des créanciers. Ainsi, si le législateur marocain a apporté quelques dispositions pertinentes concernant la protection des salariés au cours de la procédure collective notamment dans le plan de cession dans le but d’assurer le maintien d’activité, tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif, il n’a pas, cependant, insisté sur le principe de la continuité du contrat de travail, ce qui constitue pour les repreneurs un prétexte pour ne pas respecter leurs engagements, tel que le maintien d’emploi et l’ancienneté acquise par les salariés ;
Par ailleurs, le législateur marocain n’a pas instauré d’une manière claire et détaillée le rang de paiement des créances prioritaires, soit antérieures ou postérieures au jugement d’ouverture, ce qui constitue une autre lacune juridique ;
En l’absence des garanties juridiques, les salariés risquent de ne pas percevoir leurs droits malgré le privilège accordé par la loi (en référence à l’article 382 du code de travail). C’est le cas où les sommes résultant de la liquidation ou le prix de cession ne suffiraient pas pour payer tous les créanciers parmi eux les salariés.
Propositions
De façon générale, il faut constater que la sécurité que procure le cadre législatif marocain aux salariés des entreprises en difficulté est en réalité très limitée.
Plusieurs raisons sont derrière cette affirmation. Primo, les salariés au Maroc ne sont pas informés et consultés avant toutes les décisions concernant leur situation pendant les procédures collectives par le biais de comités d’entreprise, ou à défaut, des délégués du personnel. Ceci constitue une lacune juridique qu’il faut combler ;
Secundo, la loi concernant l’entreprise en difficulté n’a pas posé des dispositions claires concernant les licenciements envisagés au cours de la période d’observation en vue d’orienter le tribunal de commerce pour prendre une telle décision ;
Et tertio, le législateur marocain n’a pas évoqué la situation des créances salariales au cours de l’établissement d’un plan de redressement ordonné par le tribunal. A ce niveau, on s’interroge si les créances salariales doivent être incluses aussi dans le plan de continuation comme les autres créances, en sachant que la durée de rééchelonnement des dettes peut aller jusqu’à 10 ans.
Le législateur marocain est resté muet sur ce point, ce qui signifie l’absence d’une volonté d’accorder la priorité de paiement aux créances salariales par rapport aux autres créances au cours de cette procédure. Il paraît que le législateur reste attaché au principe d’égalité des créanciers. Ainsi, si le législateur marocain a apporté quelques dispositions pertinentes concernant la protection des salariés au cours de la procédure collective notamment dans le plan de cession dans le but d’assurer le maintien d’activité, tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d’apurer le passif, il n’a pas, cependant, insisté sur le principe de la continuité du contrat de travail, ce qui constitue pour les repreneurs un prétexte pour ne pas respecter leurs engagements, tel que le maintien d’emploi et l’ancienneté acquise par les salariés ;
Par ailleurs, le législateur marocain n’a pas instauré d’une manière claire et détaillée le rang de paiement des créances prioritaires, soit antérieures ou postérieures au jugement d’ouverture, ce qui constitue une autre lacune juridique ;
En l’absence des garanties juridiques, les salariés risquent de ne pas percevoir leurs droits malgré le privilège accordé par la loi (en référence à l’article 382 du code de travail). C’est le cas où les sommes résultant de la liquidation ou le prix de cession ne suffiraient pas pour payer tous les créanciers parmi eux les salariés.
Propositions
Pour améliorer l’efficacité du dispositif applicable au Maroc en matière de la protection des salariés des entreprises en difficulté, nous proposons un certain nombre de recommandations qui s’inspirent de la réglementation française. Ces recommandations portent sur les points suivants :
Il faut accorder aux salariés un champ plus large d’intervention soit avant ou au cours de la procédure collective par le biais du comité d’entreprise ou à défaut par les délégués du personnel. La loi française a élaboré des critères bien précis en ouvrant la possibilité d’envisager des licenciements pendant la période d’observation lorsqu’ ils présentent un caractère urgent (une cause sérieuse et réelle est celle de sauvegarder l’entreprise en difficulté), inévitable (l’impossibilité de surmonter les difficultés), et indispensable (absence d’autre solution).
Cette possibilité doit être incluse dans le droit marocain.
Il est recommandé d’harmoniser les dispositions de l’article 1248 du code civil et de l’article 575 du code de commerce et d’autres dispositions qui donnent aux salariés un privilège spécial et prioritaire par rapport aux autres créanciers en application de l’article 382 du code de travail et l’article 107 du code de recouvrement des créances publiques. Il doit être établi un ordre de paiement des dettes de l’entreprise en difficulté dans l’ordre suivant : super privilège des salariés, frais de justice, le privilège de règlement amiable, les créances bancaires, les créances de la CNSS, du Trésor public et enfin autres créances selon leur rang. Il faut donner aux contrats de travail plus de garantie pour les maintenir durant la procédure collective et, notamment, au cours de la période d’observation ;
Il est recommandé d’établir et d’organiser un système de garantie pour les salariés licenciés au cours des procédures collectives et après la clôture de celles-ci, tel que la création d’une « association pour la gestion du régime de garantie des salariés ».
Le législateur marocain à travers les dispositions du code de commerce a visé la sauvegarde de l’entreprise et le code du travail a visé la protection des intérêts des salariés. Le législateur a cependant négligé l’aspect social au cours des procédures collectives, ce qui constitue une faiblesse de protection des salariés au cours de ces procédures.
Le droit marocain mérite, ainsi, d’évoluer dans le sens de procurer plus de protection aux salariés des entreprises de façon générale, et à celles en difficulté de façon particulière.
Une meilleure protection sociale est de l’intérêt des employés, bien entendu, mais elle est aussi bénéfique pour les entreprises (un sentiment de sécurité et de stabilité est un stimulant pour une meilleure productivité au travail) et pour les pouvoirs politiques (paix sociale).
Source : Brahim Atrouch, Consultant en droit social
Par LE MATIN
Il faut accorder aux salariés un champ plus large d’intervention soit avant ou au cours de la procédure collective par le biais du comité d’entreprise ou à défaut par les délégués du personnel. La loi française a élaboré des critères bien précis en ouvrant la possibilité d’envisager des licenciements pendant la période d’observation lorsqu’ ils présentent un caractère urgent (une cause sérieuse et réelle est celle de sauvegarder l’entreprise en difficulté), inévitable (l’impossibilité de surmonter les difficultés), et indispensable (absence d’autre solution).
Cette possibilité doit être incluse dans le droit marocain.
Il est recommandé d’harmoniser les dispositions de l’article 1248 du code civil et de l’article 575 du code de commerce et d’autres dispositions qui donnent aux salariés un privilège spécial et prioritaire par rapport aux autres créanciers en application de l’article 382 du code de travail et l’article 107 du code de recouvrement des créances publiques. Il doit être établi un ordre de paiement des dettes de l’entreprise en difficulté dans l’ordre suivant : super privilège des salariés, frais de justice, le privilège de règlement amiable, les créances bancaires, les créances de la CNSS, du Trésor public et enfin autres créances selon leur rang. Il faut donner aux contrats de travail plus de garantie pour les maintenir durant la procédure collective et, notamment, au cours de la période d’observation ;
Il est recommandé d’établir et d’organiser un système de garantie pour les salariés licenciés au cours des procédures collectives et après la clôture de celles-ci, tel que la création d’une « association pour la gestion du régime de garantie des salariés ».
Le législateur marocain à travers les dispositions du code de commerce a visé la sauvegarde de l’entreprise et le code du travail a visé la protection des intérêts des salariés. Le législateur a cependant négligé l’aspect social au cours des procédures collectives, ce qui constitue une faiblesse de protection des salariés au cours de ces procédures.
Le droit marocain mérite, ainsi, d’évoluer dans le sens de procurer plus de protection aux salariés des entreprises de façon générale, et à celles en difficulté de façon particulière.
Une meilleure protection sociale est de l’intérêt des employés, bien entendu, mais elle est aussi bénéfique pour les entreprises (un sentiment de sécurité et de stabilité est un stimulant pour une meilleure productivité au travail) et pour les pouvoirs politiques (paix sociale).
Source : Brahim Atrouch, Consultant en droit social
Par LE MATIN