Chapitre premier : Dispositions générales
Article 396
Outre les dispositions de l’article 3 de la Constitution 66, les syndicats professionnels ont pour objet la défense, l’étude et la promotion des intérêts économiques, sociaux, moraux et professionnels, individuels et collectifs, des catégories qu’ils encadrent ainsi que l’amélioration du niveau d’instruction de leurs adhérents. Ils participent également à l’élaboration de la politique nationale dans les domaines économique et social. Ils sont consultés sur tous les différends et questions ayant trait au domaine de leur compétence.
Article 397
Il est interdit aux organisations professionnelles des employeurs et des salariés d’intervenir, de manière directe ou indirecte, dans les affaires des unes et des autres en ce qui concerne leur composition, leur fonctionnement et leur administration.
66 – Ces dispositions sont désormais remplacées par celles de l’article 8 de la nouvelle constitution :
Les organisations syndicales des salariés, les chambres professionnelles et les organisations professionnelles des employeurs contribuent à la défense et à la promotion des droits et des intérêts socioéconomiques des catégories qu’elles représentent. Leur constitution et l’exercice de leurs activités, dans le respect de la constitution et de la loi, sont libres.
Les structures et le fonctionnement de ces organisations doivent être conformes aux principes démocratiques. Les pouvoirs publics œuvrent à la promotion de la négociation collective et à l’encouragement de la conclusion de conventions collectives de travail dans les conditions de travail dans les conditions prévues par la loi.
La loi détermine les règles relatives notamment à la constitution des organisations syndicales, aux activités et aux critères d’octroi du soutien financier de l’état, ainsi qu’aux modalités de contrôle de leur financement.
Est considéré comme acte d’intervention visé au premier alinéa ci-dessus, toute mesure visant la création de syndicats de salariés contrôlés par l’employeur, son délégué ou une organisation des employeurs, ou la présentation d’un soutien financier ou autre à ces syndicats, aux fins de les soumettre au contrôle de l’employeur ou d’une organisation des employeurs.
Article 398
Des syndicats professionnels peuvent être librement constitués par des personnes exerçant la même profession ou le même métier, des professions ou métiers similaires ou connexes concourant à la fabrication de produits ou à la prestation de services déterminés, dans les conditions prévues par la présente loi et ce, indépendamment du nombre des salariés dans l’entreprise ou dans l’établissement.
Les employeurs et les salariés peuvent adhérer librement au syndicat professionnel de leur choix.
Article 399
Les syndicats professionnels peuvent se regrouper et se concerter librement pour examiner et défendre leurs intérêts communs.
Article 400
Les syndicats professionnels peuvent également s’affilier à des organisations internationales de salariés ou d’employeurs.
Article 401
Peuvent continuer à faire partie du syndicat professionnel auquel elles étaient affiliées les personnes qui ont abandonné l’exercice de leur profession ou de leur métier, si elles l’ont exercé pendant au moins six mois.
Article 402
Tout membre d’un syndicat professionnel peut s’en retirer à tout instant, nonobstant toute clause contraire, sans préjudice du droit, pour le syndicat professionnel, de réclamer le montant des cotisations afférentes aux six mois qui suivent la décision de l’intéressé.
Chapitre Il : De la personnalité morale des syndicats professionnels
Article 403
Les syndicats professionnels constitués conformément aux dispositions de la présente loi sont dotés de la personnalité morale.
Article 404
Les syndicats professionnels jouissent de la capacité civile et du droit d’ester en justice. Ils peuvent, dans les conditions et formes prévues par la loi, exercer devant les juridictions67 tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant préjudice direct ou indirect aux intérêts individuels ou collectifs des personnes qu’ils encadrent ou à l’intérêt collectif de la profession ou du métier qu’ils représentent.
Article 405
Dans les affaires professionnelles contentieuses soumises à la justice, si l’une des parties demande l’avis du syndicat, celui-ci doit mettre son avis à la disposition des deux parties qui peuvent en prendre communication et copie.
Article 406
Les syndicats professionnels ont le droit d’acquérir à titre gratuit ou à titre onéreux des biens meubles ou immeubles.
Article 407
Les biens meubles et immeubles nécessaires aux réunions du syndicat professionnel, les bibliothèques et tout ce qui est nécessaire aux cours d’instruction professionnelle et à l’éducation ouvrière sont insaisissables.
Article 408
Les syndicats professionnels peuvent :
67 – Voir articles 7 à 14 du code de procédure pénale.
- affecter une partie de leurs ressources à la construction d’habitations à bon marché, à l’acquisition de terrains pour la création de lieux pour la culture et le divertissement et des terrains destinés à l’éducation physique et à l’hygiène de leurs adhérents ;
- créer ou administrer des œuvres sociales ou professionnelles telles que : les coopératives, les caisses de solidarité ou les colonies de vacances, ou autres ;
- subventionner des œuvres de même nature que celles visées au paragraphe 2°;
- subventionner des coopératives constituées conformément à la législation en vigueur ;
- créer et gérer des centres de recherches, d’études et de formation;
- éditer des publications concernant la profession.
Article 409
Les syndicats peuvent, s’ils y sont autorisés par leurs statuts et à condition que les opérations ci-après ne constituent pas une distribution de ristournes à leurs membres :
- acheter pour les louer, prêter ou répartir entre leurs membres tous les objets nécessaires à l’exercice de leur profession : matières premières, outils, instruments, machines, engrais, semences, plants, animaux et aliments pour bétail ;
- prêter leur entremise gratuite pour la vente des produits provenant du travail personnel ou des exploitations des syndiqués, faciliter cette vente par expositions, annonces, publications, groupement de commandes et d’expéditions, à condition de ne pas y procéder en leur nom et sous leur responsabilité.
Article 410
Les syndicats professionnels peuvent inciter à la constitution entre leurs membres de sociétés mutualistes telles qu’elles sont prévues par la législation en vigueur68.
Les biens des sociétés mutualistes créées conformément au premier alinéa ci-dessus sont insaisissables.
Toute personne qui se retire d’un syndicat professionnel conserve le droit d’être membre des sociétés mutualistes à l’actif desquelles elle a contribué par des cotisations ou versements de fonds.
Article 411
Les syndicats professionnels peuvent déposer, en remplissant les formalités prévues par la législation relative à la protection de la propriété industrielle69, leurs marques ou labels. Ils peuvent en revendiquer la propriété exclusive dans les termes de ladite législation. Ces marques ou labels peuvent être apposés sur tous produits ou objets de commerce, pour en certifier l’origine ou les conditions de fabrication. Ils peuvent être utilisés par toutes personnes ou entreprises mettant en vente ces produits.
Article 412
Les peines prévues par la législation relative à la protection de la propriété industrielle sont applicables en matière de contrefaçon, apposition, imitation ou usage frauduleux des marques syndicales ou labels.
Article 413
En cas de dissolution volontaire ou statutaire, les biens du syndicat sont dévolus aux personnes désignées dans les statuts, ou à défaut de
68 – Dahir n° 1-57-187 du 24 Joumada II 1383 (12 Novembre 1963) portant statut de la mutualité tel qu’il a été modifié et complété; Bulletin Officiel n° 2666 du 29 Novembre 1963, p. 1842.
69 – Dahir n° 1-00-19 du 9 kaada 1420 (15 Février 2000) portant promulgation de la loi n°17-97 relative à la protection de la propriété industrielle tel qu’il a été modifié et complété; Bulletin Officiel n° 4778 du 9 Hijja 1420 (16 Mars 2000), p. 135.
dispositions statutaires, suivant les règles déterminées par l’assemblée générale.
En aucun cas, ils ne peuvent être répartis entre les membres adhérents.
En cas de dissolution judiciaire, le tribunal peut ordonner la dévolution des biens du syndicat professionnel conformément aux dispositions statutaires. A défaut ou en cas d’inapplicabilité desdites dispositions70, la dévolution peut être ordonnée selon les circonstances de la cause.
Chapitre III : Constitution et administration des syndicats professionnels
Article 414
Lors de la constitution d’un syndicat, les représentants de celui-ci ou la personne qu’ils mandatent à cet effet, doivent déposer dans les bureaux de l’autorité administrative locale, contre récépissé, délivré immédiatement ou contre visa d’un exemplaire du dossier, dans l’attente de la délivrance du récépissé, ou adresser à ladite autorité par lettre recommandée avec accusé de réception :
- les statuts du syndicat professionnel à constituer qui doivent être conformes à son objet, et préciser notamment l’organisation interne, les conditions de nomination des membres d’administration ou de la direction et les conditions d’adhésion et de retrait ;
- la liste complète des personnes chargées de son administration ou de sa direction dans les formes prévues par la législation en vigueur.
Article 415
Les documents visés à l’article 414 sont adressés par les personnes prévues au premier alinéa dudit article en quatre exemplaires aux
70 – Voir l’article 9 de la nouvelle constitution « Les partis politiques et les organisations syndicales ne peuvent être suspendus ou dissous par les pouvoirs publics qu’en vertu d’une décision de justice ».
bureaux de l’autorité administrative locale qui envoie l’un de ces exemplaires au procureur du Roi. Un cinquième exemplaire est adressé par lesdites personnes au délégué provincial chargé du travail. Tous ces documents sont exonérés du droit de timbre nonobstant toute législation contraire.
Article 416
Les membres chargés de l’administration et de la direction du syndicat professionnel doivent être de nationalité marocaine et jouir de leurs droits civils et politiques et n’avoir encouru aucune condamnation définitive à la réclusion ou à l’emprisonnement ferme, pour l’un des délits suivants : vol, escroquerie, abus de confiance, faux et usage de faux, incitation de mineurs à la débauche, assistance en vue de la débauche, trafic ou usage de stupéfiants ainsi que pour infraction à la législation sur les sociétés et abus de biens sociaux.
Article 417
Tout membre chargé de l’administration ou de la direction d’un syndicat condamné définitivement au titre de l’une des infractions visées à l’article 416 ci-dessus est, de plein droit, déchu de ses fonctions.
Article 418
Toute modification apportée à l’organe de direction d’un syndicat professionnel ou à ses statuts, doit être portée à la connaissance de l’autorité administrative locale et au délégué provincial chargé du travail conformément aux dispositions des articles 414 et 415 ci-dessus.
Article 419
Le représentant syndical dans l’entreprise bénéficie, en accord avec l’employeur, de permissions d’absence pour participer aux sessions de formation, aux conférences, aux séminaires ou aux rencontres syndicales nationales et internationales. Lesdites permissions d’absence sont rémunérées dans la limite de cinq jours continus ou discontinus par an, sauf accord sur des périodes plus longues entre le représentant syndical et l’employeur.
Chapitre IV : Des unions des syndicats professionnels
Article 420
Les syndicats professionnels peuvent se grouper en union ou en toute organisation similaire quelle que soit sa dénomination.
Les unions des syndicats professionnels jouissent de tous les droits conférés aux syndicats professionnels prévus par le titre I du livre III de la présente loi.
Article 421
Les dispositions du chapitre III du titre I du livre III de la présente loi s’appliquent aux unions des syndicats professionnels et, de façon générale, à toutes les organisations similaires quelle que soit leur dénomination.
Les statuts de chaque union ou organisation similaire, quelle que soit sa dénomination, doivent prévoir les règles régissant ladite union.
Article 422
Les unions sont passibles des sanctions prévues au chapitre VI du titre I du livre III de la présente loi.
Article 423
Les unions des syndicats professionnels les plus représentatives des salariés sont représentées dans les instances et organismes consultatifs, conformément aux textes relatifs à ces instances ou organismes.
Article 424
Les unions des syndicats professionnels ou toute organisation similaire quelle que soit sa dénomination peuvent recevoir des subventions de l’Etat en nature ou sous forme de contribution financière pour couvrir tout ou partie des frais de loyer de leurs sièges, des salaires de certains cadres ou du personnel détaché auprès d’elles, des activités relatives à l’éducation ouvrière organisées au profit de leurs adhérents.
Ces subventions doivent être consacrées aux objectifs pour lesquels elles ont été allouées.
Par dérogation à l’article 7 du dahir n° 1-59-271 du 17 chaoual 1379 (14 avril 1960) organisant le contrôle financier de l’Etat 71, le contrôle de l’utilisation des subventions octroyées par l’Etat aux unions des syndicats professionnels est exercé par une commission présidée par un magistrat et composée des représentants des départements ministériels intéressés.
La composition et les modalités de fonctionnement de cette commission sont fixées par voie réglementaire 72.
Les subventions prévues au 1er alinéa du présent article sont attribuées sur la base de critères fixés par voie réglementaire 73.
Chapitre V : L’Organisation syndicale la plus représentative
Article 425
Pour déterminer l’organisation syndicale la plus représentative au niveau national, il doit être tenu compte de :
- l’obtention d’au moins 6% du total du nombre des délégués des salariés élus dans les secteurs public et privé ;
- l’indépendance effective du syndicat ;
- la capacité contractuelle du syndicat.
- Pour déterminer l’organisation syndicale la plus représentative au niveau de l’entreprise ou de l’établissement, il doit être tenu compte de :
- l’obtention d’au moins 35%, du total du nombre des délégués des salariés élus au niveau de l’entreprise ou de l’établissement ;
- la capacité contractuelle du syndical.
71 – Dahir abrogé par l’article 24 du dahir n° 1-03-195 du 16 Ramadan 1424 (11Novembre 2003) portant promulgation de la loi n° 69-00 relative au contrôle financier de l’Etat sur les entreprises publiques et autres organismes; Bulletin Officiel n° 5170 du 23 Chaoual 1424 (18 Décembre 2003), p. 1448.
72 – Décret n° 2-04-467 du 16 kaada 1425 (29 Décembre 2004) fixant les critères sur la base desquels les subventions de l’Etat sont attribués aux unions des syndicats professionnels ou à toute organisation similaire ainsi que la composition et les modalités de fonctionnement de la commission chargée du contrôle de l’utilisations desdites subventions; Bulletin Officiel n° 5280 du 24 kaada 1425 (6 Janvier 2005), p. 22.
- – Même Décret n° 2-04-467 susmentionné.
Chapitre VI : Dispositions pénales
Article 426
Lorsqu’une infraction aux dispositions du présent titre ou un manquement à ses statuts justifie la dissolution du syndicat professionnel, celle-ci ne peut être prononcée que par voie judiciaire, sur requête du ministère public 74.
Peuvent donner lieu à dissolution du syndicat professionnel les infractions suivantes :
- la constitution du syndicat entre personnes n’exerçant pas la même profession ou le même métier, des professions ou métiers similaires ou connexes concourant à la fabrication de produits ou à l’offre de services déterminés comme stipulé par l’article 398 ;
- le non-respect de ses statuts prévus par l’article 414 de la présente loi ou le fait d’admettre parmi les personnes chargées de l’administration de ses affaires professionnelles ou de sa direction, des personnes ne remplissant pas les conditions prévues par l’article 416.
Article 427
Les fondateurs, présidents, directeurs ou administrateurs des syndicats, quelle que soit leur qualité, sont punis d’une amende de 10.000
- 000 dirhams, dans les cas suivants :
- répartition des biens du syndicat entre ses membres après sa dissolution, que cette dissolution soit décidée par ses membres ou découle de l’application de ses statuts, et de manière contraire aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 413.
- Dans ce cas, les bénéficiaires du partage des biens du syndicat doivent les restituer ;
- défaut de dépôt auprès des autorités administratives locales ou défaut d’envoi des pièces constitutives du syndicat, contrairement aux dispositions de l’article 414.
74 – Voir correspondant à l’article 413.
Le défaut d’envoi des pièces constitutives du syndicat au délégué préfectoral ou provincial chargé du travail, contrairement aux dispositions de l’article 415 est puni d’une amende de 500 à1000 dirhams.
L’amende est portée au double, en cas de récidive.
Article 428
Sont punis d’une amende de 25.000 à 30.000 dirhams les fondateurs, présidents, directeurs ou administrateurs d’un syndicat, quelle que soit leur qualité, qui :
- après la dissolution de celui-ci, conformément à l’article426, se sont maintenus en fonction ou ont reconstitué illégalement ce syndicat ;
- ne respectent pas les dispositions de l’article 397.
Est passible de la même amende toute personne physique ou morale qui entrave l’exercice du droit syndical.
En cas de récidive, l’amende précitée est portée au double.
Article 429
Il y a récidive lorsque les actes visés aux articles 12, 151, 361, 427, 428, 463 et 546 de la présente loi se produisent au cours des deux années suivant un jugement définitif.